SourcingLes RH doivent prendre le train de la digitalisation

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Les RH doivent prendre le train de la digitalisation

Emilie Lhoste

Les recruteurs de cadres ont-ils quelque chose à apprendre de ceux qui recrutent principalement des métiers de terrain ? Et réciproquement ? Nous avons posé la question à deux spécialistes, qui confrontent leurs points de vue sur les thématiques les plus actuelles en matière de sourcing et de recrutement. État des lieux du paysage du recrutement, nouvelles pratiques, tendances et pistes pour l’avenir.

Recruter n’a jamais été aussi difficile

Premier constat partagé : recruter n’a jamais été aussi laborieux. Alors que 6 employeurs sur 10 anticipent des difficultés de recrutement en 2024 (Enquête Besoins en Main-d’Oeuvre, France Travail, 2024), on peut dire que le recrutement se complexifie sur l’ensemble des métiers. Et ce, pour les cols blancs comme pour les cols bleus. La concurrence est rude et les candidats sont sursollicités.

D’après Alexis Bouvet, CEO de Growth Hiring, un cadre a déjà reçu en moyenne une vingtaine de messages d’approche sur LinkedIn lorsqu’un recruteur le sollicite. Pour les métiers de terrain, le rapport de force s’est carrément inversé ces dernières années, confirme Camille Cosnefroy, CEO de Seiza. Les entreprises doivent aujourd’hui proposer aux candidats aux métiers de terrain un processus de recrutement efficace et fluide pour se distinguer. D’autant que sur ces postes, les besoins sont bien souvent importants et le recrutement volumique.

Le métier du recruteur est de plus en plus technique”, abonde Alexis Bouvet, qui souligne l’importance de se doter des bons outils pour pouvoir mener à bien sa mission.

Quel réseau social pour quel recrutement ?

Alors que les recruteurs sont aujourd’hui en proie à certaines difficultés structurelles, qu’en est-il des canaux de recrutement ? Pour Alexis Bouvet comme pour Camille Cosnefroy, les réseaux sociaux peuvent désormais intervenir avec efficacité sur tout type de recrutement.

Dans le cas des métiers de terrain, ce ne sont pas les réseaux sociaux professionnels qui priment. En effet, ces candidats ont pour spécificité de ne pas disposer de profil sur ces réseaux et d’être bien souvent déjà en poste.

Résultat : alors qu’ils ne cherchent pas activement un emploi, les recruteurs ont du mal à les trouver. En revanche, “les métiers de terrain passent beaucoup de temps sur les réseaux sociaux personnels, quasiment 2 heures par jour”, souligne Camille Cosnefroy. La bonne démarche consiste donc à aller chercher ces candidats passifs en leur proposant une offre d’emploi directement sur ces plateformes (Facebook, Instagram, TikTok, Snapchat, etc.)

Côté cadres, LinkedIn reste la meilleure base de donnée et d’identification, insiste Alexis Bouvet. Mais sur ce terrain de chasse devenu hyper-concurrentiel, les recruteurs doivent se démarquer, notamment par une démarche de personal branding bien ficelée. Les recruteurs doivent aujourd’hui partager du contenu et être dans une démarche de marketing RH. Mieux, “les dirigeants sont les premiers recruteurs de leur entreprise”, estime Alexis Bouvet.

Point de salut pour les cadres hors de LinkedIn ? Pour Alexis Bouvet, il est au contraire possible d’exploiter certains groupes Facebook, ou encore certaines communautés sur GitHub, par exemple. “L’aspect” ‘influence’ est encore sous-exploité”, ajoute-t-il, mentionnant encore la possibilité pour les recruteurs de faire d’influenceurs sur Instagram des relais intéressants. Dans tous les cas, il s’agit d’adopter une posture bienveillante, d’agent de talent qui apporte toujours de la valeur au candidat.

Qu’est-ce qu’une bonne expérience candidat ?

Et l’expérience candidat dans tout ça ? Pour les cadres comme pour les métiers de terrain, l’expérience candidat pêche encore trop souvent en France, remarque Alexis Bouvet, alors que peu de choses contribueraient à l’améliorer significativement. Il ne faut pas oublier qu’un candidat devient un ambassadeur de l’expérience candidat de votre entreprise, et qu’il n’hésitera pas à la partager (en positif ou en négatif) auprès de son propre réseau.

C’est pourquoi il faut traiter le candidat comme un client et prendre soin de la relation, souligne Alexis Bouvet. C’est aussi grâce à ces candidats qu’il est possible de se constituer un vivier qui, bien entretenu, pourra être exploité à l’avantage des recruteurs plusieurs mois plus tard, pour une autre opportunité.

Côté métiers de terrain, une bonne expérience candidat doit rimer avec parcours de recrutement hyper efficace, insiste Camille Cosnefroy. L’expérience candidat doit ainsi être mobile-first, sans CV à la première sélection et inclure une communication fluide par SMS durant tout le process de recrutement.

Demander un CV, c’est décourager l’acte de candidature”, estime Camille Cosnefroy, qui met en lumière une autre approche, celle des questions préqualifiantes qui permettent de prioriser ou non un candidat de manière bien plus pertinente. Quant aux SMS, ils ont fait la preuve de leur efficacité, avec un taux d’ouverture bien plus important que celui des mails, rappelle-t-il.

De manière générale, enlever les freins à la candidature et simplifier le plus possible l’expérience permet d’attirer plus de candidatures pour les recruteurs. “On atteint des taux de recrutement de 20% avec nos clients, dont certains arrivent même à recruter en 48h”, souligne Camille Cosnefroy.

Automatisation et IA font leur chemin

Pour faire gagner du temps aux recruteurs et améliorer l’expérience candidat, l’intelligence artificielle et l’automatisation sont désormais des must-have, s’accordent Alexis Bouvet et Camille Cosnefroy. Dans le recrutement des cadres comme des métiers de terrain, il ne s’agit pas de remplacer les recruteurs mais de les libérer des tâches les plus chronophages et à moindre valeur ajoutée.

Envoi de SMS, relances, demandes d’informations complémentaires, rappels (comme le fait Doctolib) : toutes ces tâches peuvent être automatisées. Les recruteurs peuvent ainsi se concentrer sur les échanges avec les candidats qui ont plus de valeur.

Du côté de l’intelligence artificielle, les cas d’usage RH se multiplient, confirme Alexis Bouvet. Automatisation des comptes-rendus d’entretien avec les candidats, scorecards avec l’IA, rédaction des offres d’emploi, requêtes booléennes sur les titres de postes : toutes ces tâches peuvent être rendues plus faciles et plus efficaces.

L’intelligence artificielle permet aussi de pratiquer l’A/B testing à grande échelle. Qu’il s’agisse des messages d’approche et des relances pour ce qui concerne les cadres ou des visuels et des textes des publicités sur les réseaux sociaux pour le recrutement des métiers de terrain.

Le métier de recruteur ayant beaucoup évolué ces dernières années, il faut être en capacité de remettre en question les méthodologies historiques, conclut Camille Cosnefroy. Il faut se former en contenu pour avoir un réel impact et de tester de nouvelles approches, comme le recrutement sur les réseaux sociaux non professionnels. Pour Alexis Bouvet, le plus important est sans doute le “passage à l’action, loin des croyances limitantes”. Ce qui est certain, c’est que les outils doivent faire partie d’une méthodologie complète, voire d’un nouvel état d’esprit. “Il faut prendre le train de la digitalisation”, conclut-il.

Emilie Lhoste